Question: Vous avez commencé à pratiquer le Taichi à 11 ans. Est-ce que vous pouvez nous parler de
vos premières années à Chenjiagou ?
Maître Wang: Mes parents, en particulier mon père, aiment beaucoup les arts martiaux. Mes parents
ont deux fils, et ils ont choisi de faire faire des études à l’un et des arts martiaux à l’autre. Mon frère a
fait des études, et moi, mes parents m’ont envoyé quand j’avais 11 ans apprendre le Taichi auprès de
mon professeur. Mon père connait (bien) Chen Zhenglei, 19ème génération de la famille Chen. Donc, à
11 ans, je suis parti vivre chez Chen Zhenglei à Chenjiagou.

A l’époque, à Chenjiagou mais également en Chine, il n’y avait pas tant de monde que cela qui
pratiquait le Taichi. Ce n’est pas comme maintenant où il y a 300 millions de personnes qui apprennent,
qui étudient le Taichi. Le Taichi est répandu dans le monde entier. A Chenjiagou, dans un village de
3000 personnes, il y a 70% de la population qui pratique le Taichi. Les enfants commencent à étudier
le Taichi à 4 / 5 ans. Même à 2 ans, les enfants connaissent le Jin Gang Dao Dui. Que les gens pratiquent
ou pas le Taichi, ils connaissent tous le Jin Gang Dao Dui.
Question: Est-ce que vous vous rappelez les premiers mots que vous a dit Chen Zhenglei ?

Maître Wang: Quand je suis allé chez mon professeur, il m’a dit que si je voulais apprendre les arts
martiaux, il fallait travailler dur. Il faut beaucoup entraîner le corps. Mais en Taichi, ce n’est pas
seulement le corps qui doit travailler, c’est aussi l’esprit. Il faut que l’esprit soit calme pour ressentir
l’énergie à l’intérieur du corps. Pour certaines personnes, faire de l’exercice leur fait du bien. Mais leur
esprit est ailleurs. Mais en Taichi, on dit que si l’esprit se calme, le corps peut commencer à se relâcher
vraiment. C’est pour cela que les premières choses que m’a dites mon professeur, c’est que pour être
bon en Taichi, il fallait non seulement travailler dur, mais également travailler seul. En fait, la plupart
du temps, on travaille seul. Quand j’avais 15, 16 ans, après dîner, j’allais pratiquer dans le petit creux
près du village. C’est un endroit très calme. Parfois c’est éclairé par la lune, parfois c’est très sombre,
si sombre que l’on ne voit pas sa main. Quand vous pratiquez dans ces conditions, sans rien voir, alors
votre esprit peut se concentrer sur ce qui se passe à l’intérieur.
Question: Combien d’heures par jour vous entraîniez-vous ?
Maître Wang: A Chenjiagou, je m’entrainais le matin, puis j’allais à l’école, puis je m’entrainais en
rentrant de l’école, et ensuite après dîner. La plupart du temps, c’était donc trois entraînements par
jour, soit 3 à 4 heures par jour.
Question: Fan Song, Ding, Chen, Peng sont des fondamentaux du Taichi. Que devons-nous travailler
en premierlorsque l’on commence le Taichi, et que doit-on développer lorsqu’on est plus avancé dans
la pratique ?
Maître Wang: Song, Chen, Rou sont les trésors du Taichi. Song, c’est le relâchement. Chen, c’est
l’enracinement. Rou, c’est la douceur. Les trois sont liés. Si vous n’êtes pas relâché, vous ne pouvez
pas être doux. Si vous n’avez pas la douceur, alors vous ne pouvez pas être enraciné. Si vous n’avez pas
l’une, alors vous ne pouvez pas améliorer les autres.

Il est très important de sentir le relâchement en premier. Parce que le corps est habitué à contracter
les muscles dès que l’on bouge. C’est pour ça que lorsqu’on commence, il faut commencer par
travailler le relâchement. Ensuite, sentir que grâce au relâchement, l’énergie est lourde. Quand on est
relâché, on arrive à avoir des mouvements doux, fluides. Tout est connecté au centre, au Dantian.
Question: Est-ce que les élèves en Occident comprennent le concept de relâchement comme les
élèves Chinois ?
Maître Wang: Oui, c’est presque la même chose. Nous sommes tous des êtres humains. Pour les
Chinois, c’est plus facile à comprendre du fait des différences culturelles. Pour les Chinois, comme pour
les Occidentaux, si on veut améliorer son niveau de Taichi, la chose la plus importante, c’est de
commencer tôt. Tous les Maîtres des générations antérieures ont tous commencé jeunes. Chen
Zhenglei, Chen Xiaowang ont de très bonnes compétences en Taichi. Ils ont tous commencé jeunes. En
Occident, c’est plus difficile de trouver des gens avec un très bon niveau de Taichi parce la plupart
commencent plus tard, à 30 ou 40 ans.On peut toujours s’améliorer, mais quand on commence jeune,
à 8 ou 10 ans, les articulations se développent en même temps qu’on s’entraîne. Le corps, articulations
et muscles, grandit en s’adaptant au Taichi. Quand on commence le Taichi tardivement, on peut
s’améliorer et le Taichi peut aider à se sentir mieux, à contrer le stress. Mais pour avoir un très bon
niveau, commencer jeune, c’est mieux.
Question: Donc quelles sont vos recommandations pour des gens qui commencent à 30, 40 ou 50 ans
? à quoi les gens devraient faire attention ?
Maître Wang: Souvent, les gens qui commencent le Taichi pensent que les postures, ce n’est pas
important. En fait, c’est faux. Si vous voulez être bon en Taichi, la première étape, c’est d’acquérirles
postures justes. Apprendre l’enchaînement, c’est assez rapide. En Chine, on dit que si vous faîtes
l’enchaînement 10 000 fois, l’énergie interne va sortir automatiquement. Les Grands Maîtres
pratiquaient 10 000 enchaînements par an, soit 30 enchaînements par jour. Si vous voulez avoir un
bon Gong Fu, vous devez faire beaucoup d’enchaînements pour arriver à ce que l’esprit et le corps
soient bien connectés.

Dans la vie de tous les jours, l’esprit est sans arrêt tourné vers l’extérieur, vers ce qu’on a à faire. Mais
quand on pratique le Taichi, il faut vraiment que l’esprit soit ramené à l’intérieur du corps.